Ladepeyre était sous l’Ancien Régime (1589/ 1789), le siège d’une paroisse très étendue , englobant Pinet, Plescamps et de très nombreuses fermes.
L'église aurait été construite au 15ème siècle. Mais ruinée par les protestants, elle fut reconstruite de 1570 à 1576 et pendant ce temps-là le service religieux eut lieu à Plescamps, annexe de Ladepeyre.
Eglise vue extérieure
Les registres paroissiaux sont presque inexistants mais on sait que cette église était dédiée à Saint Pierre.
Nous connaissons assez bien la vie d’un certain curé, l’abbé Jean-Jacques SEBE, par un rapport demandé par l’évêque au curé COUBEZ dans les années 1860 sur la vie de ses prédécesseurs pendant la Révolution de 1789.
L’abbé SEBE est né en1736. Les évêques de Rodez avaient toute confiance en lui, il est reconnu comme un saint par ses fidèles, était fréquemment consulté pour des affaires sérieuses concernant des paroisses voisines.
Tous les ans pendant leurs vacances au château de Salles-Curan, Monsieur le Grand Vicaire venait passer 2 ou 3 jours en compagnie de cet homme vénérable dans un presbytère pourtant assez misérable.
Il s’occupe avec soin de ses administrés puis arriva la période révolutionnaire.
Il revint en 1795 par le hameau de la Beloterie.
Nous avons le récit de sa mort le 31 juillet 1813 et un témoignage 35 ans plus tard (1848).
La chaire de Ladepeyre (commune du Viala du Tarn) «chef-d’œuvre» d'un menuisier ébéniste inconnu: Frédéric Recoules.
.
Il est peu fréquent de trouver sur un meuble d'église la signature de l'artisan qui l'a réalisé, mais les paroissiens de Ladepeyre ont eu la présence d'esprit de sauvegarder un morceau de planche tombé de l’abat-voix de la chaire et portant une inscription gravée:
Ce texte, rédigé d'une écriture hésitante et comportant quelques fautes d'orthographe, permet de retracer la vie de Frédéric Recoules.
Frédéric voit le jour le 4 juin 1831 à Cansac, hameau situé à quelques kilomètres au Nord-Ouest de Broquiès, sur le plateau. Ses parents Gabriel Noé Recoules et Françoise Taurines avaient 39 ans lors de sa naissance et exerçaient la profession de cultivateur. Nous ne savons rien pour l'instant sur son parcours professionnel. Sixième enfant d'une fratrie de quatre frères et trois sœurs, il ne peut vivre à la ferme comme beaucoup de jeunes aveyronnais et doit apprendre un métier. La région du Ségala est riche en forêts et propices aux métiers du bois.
Les villages de La Selve et d'AuriacLagast sont proches de Broquiès, et probablement il ira faire son apprentissage dans l'un des deux bourgs. Pour la période de 1840-1860 exercent à La Selve Jean-André Trouche et Xavier Jeanjean (ce dernier, est maître menuisier) et à Auriac-Lagast François Routaboul, tous habiles sculpteurs-ébénistes. A 21 ans il réalise la chaire de l'église de Ladepeyre qui pourrait être considérée comme son « chef-d’œuvre ».
Il décéde deux ans plus tard (à l'age de 23 ans) le 6 février 1854 à Cansac chez son père et son frère Désir. Il était célibataire.
Nous ne savons pas si dans sa courte vie, il a pu réaliser d'autres meubles que l'ensemble de Ladepeyre. L'autel, et la chaire curiale sont du même style que la chaire, style bien particulier où sont privilégier les décors végétaux et non les évangélistes. Les deux anges sont naïfs, mais adorables... Celui posé sur la rampe par les paroissiens était au sommet de l’abat-voix, d'où il a chuté. Dommage qu'il est perdu sa trompette !
Les panneaux de la cuve de chaire présentent (de gauche à droite):
un chêne, arbre sacré de la religion chrétienne, symbole de la force,
un olivier, autre arbre sacré de nombreuses religions. Il évoque la paix, la fécondité, la purification, la force, la victoire et la récompense,
La vigne et le blé, sont les végétaux nourriciers, symbole de la renaissance Frédéric Recoules les représente ensemble. Il faut bien regarder pour trouver les quatre petites gerbes de blé cachées au milieu des sarments,
Le laurier: plusieurs symboles s'y rattachent comme l'éternité, la chasteté, le mérite et la sagesse.
Le panneau de la rampe orné de lys qui évoquent la pureté, les fleurs de Marie (mère de Jésus) et de saint Antoine patron des mariages. Il est entouré par des décors énigmatiques:
Un arbre coupé, un marteau et des petits blocs: serait-ce la version imagée que notre petit sculpteur de Broquiès, Frédéric, se faisait du Boswellia sacra (oliban) ou de la myrrhe qui donnaient l'encens. Ce produit est l'emblème de la fonction sacerdotale et associe, dans toutes les religions, l'homme à la divinité. Rien n'est sûr.......
Les rinceaux séparant les panneaux sont fins et élégants.
L'abat-voix est simple, avec sur son ciel, la représentation du Saint-Esprit.
Le dossier est orné de la tiare et des clés de Saint Pierre emblèmes des papes.
Le «cul de lampe» est aéré, élégant, décoré de feuilles d'acanthes et d'un tore de feuilles de chênes. Il ne ressemble à aucun de ceux confectionnés par les grands ébénistes cités en début de texte.
L'autel est simple mais élégant.
La chaire curiale et les stalles complètent cet ensemble
Pour tous ces meubles le bois (chêne ou châtaignier) est poli, patiné.
Félicitons la commune du Viala-du-Tarn et les paroissiens de Ladepeyre qui ont su préserver et entretenir cette œuvre, mettant à l'honneur un jeune et fugace artiste sud-aveyronnais du XIXe siècle.
(étude sur la chaire de l'église de Ladepeyre réalisée par Madame Mariette LECLAIRE que nous remercions vivement - octobre 2017)